Un peu d'histoire...

hervé hugot cuisine

On ne sait plus vraiment, avec le temps, qui des deux suit l'autre : Hervé traîne-t-il ses casseroles ou les casseroles précèdent-elles Hervé ? A coup sûr, lui-même aurait du mal à répondre, empêtré qu'il est, confortablement du reste, dans son art bien à lui de décrire la réalité. « Cette série d'ustensiles de cuisine, dit-il simplement, j'ai flashé dessus en rendant visite à un copain cuistot dans une colonie de vacances d'Air France, à Fonsanges, près de Sauve dans le Gard. » On en reste coi. Car enfin en voilà une idée : photographier des bassines de cuivre, des faitouts en alu, des louches en inox. Et pourquoi pas, tant qu'on y est, des appareils électroménagers, des cendriers en terre cuite ou des roues de camions ? Ben oui tiens, c'est pas bête ça, pourquoi pas ?

Pour aggraver les circonstances de son parcours erratique et minutieux, l'artiste ne s'arrête pas au centre de vacances et décide d'explorer d'autres cuisines. D'abord celle, plus industrielle, de la fonderie de son oncle, fabricant français de cocottes à destination, ça ne s'invente pas, de villages africains. Puis celle d'un restaurant, « Les Volets Verts », illustre enseigne du village de Sauve aujourd'hui disparue... Enfin l’œil d'Hervé s'attarde aussi chez les copains, dont certains se trouvent propriétaires de fort intéressantes... grilles à grillades. Alors, le temps d'un été, le reflex argentique moyen format d'Hervé crépite autant que les barbecues amis dont le fumet enivre des soirées toujours festives et mémorables.

 Au lendemain de ces pérégrinations singulières qui, au passage, rendent la compagnie de ce flâneur toute poétique, il reste les fameuses casseroles.

Casseroles ou compagnons de route, c'est selon. Car de l'utilitarisme anodin de cette matière froide qu'on utilise tous les jours finit par se dégager une forme de, comment dire, d'art modeste ? Oui. N'oublions pas de le préciser, Hervé est un photographe. Un vrai. Qui regarde, fixe, traduit, restitue, parfois transforme tout ce qu'il voit. Pour nous inviter, comme lui, à porter un regard différent sur ce qu'on fait, sur ce qu'on est. Et on salue chez lui cette capacité à habiller le quotidien d'une esthétique qui nous aide, sur le fond, à le rendre plus joli.

Julien Claudel